Rencontre avec Rodolphe Asséré entrepreneur qui ne s’embarrasse pas des cases apparentes. Il teste, examine et opte finalement pour ce qui lui servira au mieux à réaliser ses aspirations. Nous l’avons interrogé sur sa méthode de gestion de projet qu’il a mise au point grâce à ses expériences en startup et en grand groupe.
Et si startup et grand groupe s’inspiraient pour créer une nouvelle gestion de projet ?
Bureaux & Co : Startups et grands groupes sont-ils vraiment deux modèles aussi antinomiques qu’il n’y parait ?
Rodolphe : En soi non, car le principe reste le même, à savoir développer un produit pour une cible. Par contre, quand on commence à rentrer dans les détails on se rend très vite compte que oui ces deux modèles sont très différents. Ils ne font rien de la même manière, pour la simple et bonne raison qu’ils n’appréhendent pas leur environnement de la même façon.
Une des différences importantes entre ces deux systèmes, c’est l’échelle de temps à laquelle ils sont soumis. Les startups fonctionnent sur des temporalités très courtes, car bien souvent elles n’ont pas la visibilité nécessaire pour prévoir sur de longues périodes. Les grands groupes, à l’inverse ont une vision précise du long terme, de leur stratégie et de leurs objectifs.
L’autre grande particularité qui distingue les startups et les grands groupes est la manière dont ils vont gérer leurs ressources (humaines, financières, temporelles, …). On sait déjà qu’il n’est pas facile pour une jeune structure n’ayant pas d’autonomie financière de planifier le futur. Dans l’intervalle qui précède la mise sur le marché du produit qu’elle développe, elles vont donc se consacrer à d’autres manières de faire entrer de l’argent dans leur structure. Ceci peut être à double tranchant, puisque se lancer sur d’autres projets nécessite des ressources dont l’entreprise va devoir se doter (ce qui représente des coûts supplémentaires), ou bien impliquent que les moyens déjà présents soient utilisés à d’autres fins que celles auxquelles ils sont initialement destinés (à savoir la mise au point du produit phare de l’entreprise). Ne nous méprenons pas, cette stratégie présente un réel avantage, celui d’allouer aux startups leur capacité d’adaptation, de polyvalence et d’agilité, tant enviées pas les grands groupes.
Bureaux & Co : Que retiens-tu de tes passages dans ces deux univers ?
De mon point de vue, si je devais faire un bilan de mes expériences, il se résumerait aux possibilités d’évolution. Bien qu’étant très différents, les deux univers permettent à ceux qui le souhaitent d’acquérir des compétences techniques et humaines. Dans les deux cas, il est nécessaire de sortir de sa zone de confort.
Dans les startups, l’entreprise va évoluer en même tant que les individus qui y travaillent. C’est hyper excitant et très gratifiant de constater l’impact direct que l’on a sur la structure, aussi bien l’impact positif lorsque les projets sont menés à bien, que l’impact négatif, si les collaborateurs se dispersent trop.
Dans les grands groupes, c’est l’individu qui évolue au sein de la structure grâce aux moyens mis à disposition. C’est très sécurisant d’être dans un environnement structuré, ça permet peut-être de « prendre plus de risques ». Ceci est vrai à condition d’être dans un groupe qui le permette, et cela dépend beaucoup des valeurs et de l’ADN de l’entreprise. Par contre, il faut être vigilant à ne pas se laisser aspirer par ce confort qu’offre les grosses structures et en perdre sa curiosité et son goût de l’initiative, au risque de se trouver dépasser dans son propre métier.
Donc en fait, dans les deux cas évoluer est impératif, dans le premier pour atteindre ses objectifs, et dans le second pour éviter la nécrose.
Bureaux & Co : A ton avis comment les startups et les grands groupes peuvent s’influencer positivement ?
Très simplement en nouant des relations de partenariat. D’ailleurs, la plupart du temps c’est ainsi que cela se passe et que l’influence opère. Ces échanges sont bénéfiques pour les startups et pour les grands groupes.
Généralement, les grosses entreprises font appel aux startups dès lors qu’il s’agit d’acquérir un avantage concurrentiel sur des sujets pointus. L’intérêt de s’adresser à de jeunes et petites structures est d’innover sans disperser ses ressources internes. Cela permet aux grands groupes de rester concentrer sur leur cœur de métier tout en ajoutant des valeurs techniques à leurs offres, et en réduisant leurs coûts de R&D. De l’autre côté, les startups vont pouvoir bénéficier d’un cadre avantageux pour leur développement. Cette expérience va les amener à se structurer, à gagner en crédibilité, et ainsi passer à l’échelon supérieur de croissance.
Bureaux & Co : En ce qui concerne la gestion de projet, comment résumerais-tu cette nouvelle forme de gestion de projet ?
En un mot je qualifierai cette gestion de projet d’équilibrée. Si on combine la vision du grand groupe, à la précision de la startup on obtient une efficience dans la gestion de projet inégalée. Si je schématise, c’est un peu comme si vous partiez en bateau, vous prendrez nécessairement un outil pour vous repérer, et à ce moment-là vous choisirez celui qui vous permet de fixer votre cap et dans le même temps qui vous offre une exactitude au degré près. C’est cela même la gestion de projet qui repose sur le meilleur des grands groupes et des startups.
C’est un process qui accorde une grande agilité en combinant la capacité de recul des grosses structures et la puissance opérationnelle des petites sociétés. Cette façon de gérer les projets est transposable dans tous les paradigmes et présente de nombreux bénéfices. Une fois mise en œuvre, elle permet une adaptation rapide face aux imprévus (tout en minimisant l’impact négatif que cela peut avoir), et permet même de les anticiper. Autant dire, que dans la gestion de projet c’est un réel atout !
Bureaux & Co : Sur quel(s) autre(s) sujet(s) les startups et les grands groupes pourraient tirer profit du monde de l’autre ?
C’est une question intéressante ! Je pense qu’il n’y a pas vraiment de limites à l’influence que peuvent avoir ces deux mondes l’un sur l’autre, mais que beaucoup de ces choses sont encore à inventer.
Là où je sais déjà que les rencontres de l’un et de l’autre sont intéressantes, c’est :
- Sur la phase de réponse aux appels d’offres pour tous les avantages dont j’ai pu parler plus haut. Cela apporte un vrai plus aux clients, qui se sentent rassurés de s’adresser à des professionnels qui connaissent leur écosystème et qui ont l’intelligence de s’allier pour aller plus loin, et faire une proposition à plus forte valeur ajoutée. Ça donne une vraie crédibilité aux deux acteurs.
- Sur tout ce qui relève de l’aménagement d’espace où je suis certain qu’il y a un équilibre à trouver entre le bureau individuel et le total open space. Un entre deux qui permettrait un plus grand rapprochement des équipes, qui faciliterait les partages, et en même temps qui garantirait une certaine confidentialité entre deux personnes.
- Sur l’animation des communautés, (et j’entends par là aussi bien les collaborateurs que les clients) pour créer un véritable écosystème autour de l’entreprise. Ce qui va devenir incontournable, notamment avec l’arrivée des milléniales (les générations nées après 2000) sur le marché du travail qui cherchent à vivre des expériences. Cela les startups l’on très bien compris avec la création des postes d’office manager et d’happiness officer, les grands groupes pourraient s’en inspirer et ajouter le cadre nécessaire pour éviter les dérives (qui peuvent malheureusement émerger de cette quête de bonheur absolu au travail).
Il y a bien d’autres sujets sur lesquels il y aurait à gagner de s’inspiraient de ces deux modèles, et je pense que pour avoir des pistes, il suffit de commencer par étudier les grands noms qui sont passés de l’un à l’autre, comme par exemple Jeff Bezos (Amazon), ou Elon Musk (Tesla), ou simplement Bill Gates (Microsoft), et même dans un autre registre Oprah Winfrey.
Bureaux & Co : Un mot pour la fin ?
Soyez curieux, appropriez-vous les modèles qui vous parlent, et surtout faîtes-vous confiance !