Rencontre avec Patrick Cheron, facilitateur expérimenté qui accompagne des équipes de diverses entreprises à adopter les méthodes agiles pour satisfaire au mieux leurs clients. Il nous présente l’agilité et nous explique l’intérêt de l’intégrer dans nos manières de travailler.
La culture agile, comme outil d’organisation, d’engagement et de création de valeur ?
Bureaux and Co : Quel est ton parcours ?
Patrick : J’ai fait des études de génie mécanique et informatique. Après mon DESS (équivalent DU bac+5) j’ai travaillé dans l’IT (technologie de l’information) en tant qu’ingénieur. Naturellement, dans les années 2000, j’ai pris en charge la gestion de projets quelques années de développement. C’est avec ce nouveau rôle que je me suis intéressé aux méthodes avancées de gestion de projets. Très vite j’ai découvert l’agilité qui était tout à fait adaptée à mon contexte, mais encore trop avancée pour les clients qui se montraient assez réfractaires. C’est un peu plus tard, en 2015 que j’ai réellement commencé à la pratiquer, non plus comme chef de projet mais comme accompagnateur de projet. La différence, me demanderez-vous ? Dans le premier cas, je devais savoir précisément ce qui devait être fait, comment et combien de temps il fallait pour le faire, alors que maintenant je sais ce qui doit être fait mais je laisse le soin à l’équipe que j’encadre de choisir comment elle va le réaliser. Du rôle de chef, je suis devenu facilitateur et j’accompagne les opérationnels à mener leurs missions à bien.
Bureaux and Co : Qu’est-ce-que l’agilité ? Quels sont ses grands préceptes ?
Patrick : On peut simplifier en disant que l’agilité est l’enfant du lean et de l’informatique. Alors qu’est-ce-que le lean ? C’est une méthode inventée par l’entreprise Toyota dans les années 1945-1950 dont l’ambition première est de fournir le plus de valeur possible aux clients tout en réduisant les gaspillages. Cela en améliorant régulièrement les outils de production et en plébiscitant les personnes qui œuvrent quotidiennement à la création du produit. Le fondement initial de cette approche est l’amélioration continue. A savoir, ce sont les salariés qui travaillent tous les jours à leurs missions qui sont les mieux placés pour proposer les mesures à intégrer pour mieux travailler.
L’agilité s’est développée autour des concepts d’apports de valeurs, d’amélioration continue et de remise en cause du périmètre. Elle s’adapte parfaitement à la logique du secteur informatique qui peut facilement et rapidement redéfinir les contours d’un projet afin de saisir les opportunités qui se présentent.
En 2001, des spécialistes se sont retrouvés dans l’Utah (USA) et ont défini les quatre préceptes et les douze principes de l’agilité, que nous appelons encore aujourd’hui le “manifeste agile”.
Ces quatre préceptes sont la base de la culture agile :
- Les individus et leurs interactions plus que les processus et les outils*
- Des logiciels opérationnels plus qu’une documentation exhaustive*
- La collaboration avec les clients plus que la négociation contractuelle*
- L’adaptation au changement plus que le suivi d’un plan*
*En agilité, la valeur des seconds éléments est reconnue, mais les premiers sont privilégiés.
Aujourd’hui, l’agilité continue son évolution, au-delà des projets informatiques, avec d’autres méthodes comme le management 3.0 qui permet d’accompagner les managers dans leurs transformations agiles.
Bureaux and Co : En quoi est-ce un outil précieux pour les entreprises ?
Patrick : La préciosité de cette approche réside dans le fait que l’entreprise cherche avant tout à fournir le plus de valeur à ses clients. Elle va donc les inclure tout au long du cycle de réalisation du projet, et ainsi bénéficier de leurs retours sur ce qui a été réalisé et collecter leurs attentes pour la suite. Les échanges menés avec les équipes de réalisation sont facilités et le résultat final évolue constamment selon les souhaits des clients. Finalement, cela garantit une grande qualité de service correspondant à la demande des clients.
En amont du projet, l’agilité permet aussi d’aider les clients à définir et clarifier leurs besoins en leur apportant la vision opérationnelle. Ainsi, le projet se construit petit à petit en tenant compte des impératifs des uns et des autres.
Cette relation entretenue durant les différentes phases de réalisation, créé une confiance mutuelle et favorise la fidélisation des clients. Naturellement, ils seront plus enclins à collaborer avec vous sur leurs prochains projets.
Bureaux and Co : En cette période particulière (de post confinement) quels avantages présente cette approche ?
Patrick : L’agilité présente beaucoup d’avantages, à commencer par ceux que je viens de décrire. Toutefois, je crois que le plus grand d’entre eux, pour les entreprises en ce moment, c’est la souplesse de management qu’elle implique. En effet, le manager agile va déléguer la maîtrise du savoir-faire aux collaborateurs, alors que traditionnellement ils se veulent plus contrôlant. Dans ce contexte, où le télétravail est démultiplié, où chaque salarié doit jongler entre ses missions professionnelles et sa vie personnelle, cela est très intéressant de leur laisser de l’autonomie. Les fondements mêmes de l’agilité sont la communication et la confiance, et cela quels que soient les postes et les niveaux hiérarchiques. En plus, de favoriser la libre organisation de chacun, cela facilite la communication entre les collaborateurs et avec les clients, et cela permet d’anticiper les problèmes en les traitant avant qu’ils ne deviennent trop entravant.
Bureaux and Co : Quels conseils peux-tu donner à une entreprise qui souhaiterait intégrer l’agilité dans son process ?
Patrick : Si la culture agile vous intéresse, renseignez-vous auprès de personnes qui ont commencé leur transformation et si vous êtes prêt, faîtes-vous accompagner par un spécialiste ! Pour vous lancer, vous mettre sur les bons rails, vous expliquer les risques et les contraintes, il est essentiel de se faire accompagner pour sortir de sa zone de confort et de voir les choses différemment.
De prime abord, l’agilité est simple à comprendre et peut sembler aussi simple à mettre en œuvre. Pourtant, elle bouleverse complètement les paradigmes auxquels nous sommes habitués. Cela remet en cause, les niveaux hiérarchiques et les organisations de travail. Malgré toute la bonne volonté cela ne s’invente pas de révolutionner la structure d’une entreprise et d’y faire adhérer l’ensemble des équipes. Trop de sociétés font encore l’erreur de croire qu’elles peuvent le faire seules en prenant des outils trouvés sur internet. En règle générale cela se solde par un échec car avant d’appliquer des méthodes il faut avant tout changer d’état d’esprit.
Bureaux and Co : Quel est ton moment préféré dans une gestion de projet agile ?
Patrick : La rétrospective, c’est le moment où tout le monde se pose et réfléchit collectivement sur la façon dont le travail a été mené jusqu’à maintenant. On en organise régulièrement tout au long du projet. C’est un temps idéal pour que chacun s’exprime et que des solutions communes soient trouvées aux problèmes rencontrés. Personnellement j’aime faciliter cet événement et voir les résolutions que l’équipe envisage pour s’améliorer. C’est un moment par et pour l’équipe.